LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE,

En Formation Plénière,

Vu la lettre n° 175/16-DRE/TRA/SRE du 24 mars 2016, enregistrée sous le n° 17/CC/P/16 du 25 mars 2016, par laquelle la Commission de Supervision Bancaire et Financière (CSBF) a saisi pour avis le Conseil de la Concurrence concernant l’avant-projet de loi sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique,

Vu la loi n° 95-030 du 22 février 1996 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit ;

Vu la loi n° 2003 – 036 du 30 janvier 2004 sur les Sociétés Commerciales ;

Vu la loi n° 2005-020 du 17 octobre 2005 sur la concurrence ;

Vu la loi n° 2016-004 du 29 juillet 2016 portant statuts de Banky Foiben’i Madagasikara (BFM) ;

Vu le décret n° 2008-771 du 28 Juillet 2008 fixant les conditions d’application de la loi n° 2005-020 du 17 octobre 2005 sur la Concurrence ;

Vu le décret n° 2014-189 du 08 Avril 2014 portant statut du Conseil de la Concurrence ;

Vu le décret n° 2015-1329 du 29 septembre 2015 portant adoption du Règlement Intérieur du Conseil de la Concurrence ;

Vu les autres pièces du dossier;

Le Rapporteur Permanent du Conseil de la Concurrence, le Commissaire du Gouvernement  auprès du Conseil de la Concurrence et le Directeur de la Règlementation et des Etudes de la Commission de Supervision Bancaire et Financière (CSBF), ayant été entendus en leurs observations respectives lors de la séance du Conseil de la Concurrence du 23 mars 2017;

EMET l’avis dont la teneur suit :

     INTRODUCTION

  1. Par lettre du 24 mars 2016, la Commission de Supervision Bancaire et Financière (ci-après « la CSBF») a saisi le Conseil de la Concurrence d’une demande d’avis sur l’avant-projet de loi sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique (ci-après « EME ») ainsi que sur l’application des conditions tarifaires non discriminatoires par les Opérateurs de téléphonie mobile (ci-après « OTM »).
  2. En application de l’article 7 du Décret n°  2008 -771 du 28 juillet 2008 fixant les conditions d’application de la loi n°  2005-020 du 17 octobre 2005 sur la concurrence, il a été demandé à la CSBF par courriel du 31 mars 2016 de régulariser sa saisine.
  3. La CSBF n’ayant pas rempli les conditions de forme de saisine, le Conseil s’est vu obligé de passer outre et n’a finalement pu se réunir que le 09 décembre 2016, en Commission Permanente.
  4. Par Décision n° 02.CO.PER/16 du 09 décembre 2016,le Conseil siégeant en Commission Permanente a décidé de renvoyer le dossier devant la Formation Plénière du Conseil de la Concurrence.
  5. Le Conseil, en Formation plénière s’est réuni le 23 mars 2017 où un Rapporteur permanent, le Commissaire du Gouvernement auprès du Conseil de la Concurrence et le Directeur de la Règlementation et des Etudes de la CSBF ont émis des observations orales.
  6. Au cours de cette séance du 23 mars 2017, le représentant de la CSBF a déclaré que la CSBF ne demande plus un avis mais une collaboration avec le Conseil de la Concurrence concernant l’élaboration des textes d’application de la loi sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique qui vient d’être récemment adoptée.

Concernant la loi sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique

  1. L’article 34 de la loi sur la concurrence stipule que « Le Conseil de la Concurrence est obligatoirement consulté par le Gouvernement sur tout projet de texte pouvant toucher directement ou indirectement la concurrence.

ll peut par ailleurs être consulté sur toutes questions relevant de sa compétence par le Gouvernement, les commissions parlementaires, les Collectivités Territoriales et syndicats, les organisations des consommateurs agréées, les chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture. »

  1. La loi sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique a été promulguée le 02 février 2017, ainsi la demande d’avis sur l’avant-projet de loi en date du 24 mars 2016 est devenue caduque.

Néanmoins, la loi a prévu que certains points seront précisés ultérieurement par des textes d’application.

  1. Le Conseil de la Concurrence tient à souligner qu’en aucun cas, ces textes d’application ne doivent tendre à empêcher, à fausser ou à restreindre la concurrence. ll est impératif de veiller à ce qu’ils soient objectifs, proportionnés au but poursuivi et non discriminatoires et ne constituent pas des barrières à l’entrée du marché ou des critères éliminatoires pour certains concurrents.

ll y a lieu de mentionner les articles de la loi qui prévoient l’élaboration de textes d’application :

  1. Article 26: sur la fixation du capital minimum requis pour les EME;
  2. Article 27 : sur l’organisation et le fonctionnement de l’EME ;
  3. Article 30: sur les termes du contrat de mandat entre l’EME et l’agent de distribution ainsi que les critères de sélection des agents de distribution ;
  4. Articles 33, 37 et 39 : sur les dossiers d’agrément des EME ;
  5. Article 50 : sur la limitation des transactions ;
  6. Article 90: sur la fixation du chiffre d’affaires annuel des commerçants qui sont dans l’obligation d’accepter le paiement par monnaie électronique ;
  7. Article 104 : sur le pouvoir règlementaire de la CSBF et sur les conditions d’accès à la profession.
  1. Le dernier alinéa de l’article 79 de la loi sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique dispose que « Tout EME ou établissement de crédit qui s’est vu refuser l’ouverture d’un compte global (auprès de plusieurs banques territoriales de la place) peut saisir la CSBF qui désigne une banque dépositaire à cet effet. »

Par ailleurs, le Conseil de la Concurrence tient à rappeler que dans le cadre du respect de la concurrence stipulé à l’article 58 de la loi sur la monnaie électronique, l’article 16 de la loi sur la concurrence prévoit que « sauf motif légitime, il est interdit de refuser de satisfaire, dans la mesure des disponibilités du vendeur et dans les conditions conformes aux usages commerciaux, … aux demandes de prestation de service, lorsque ces demandes ne présentent aucun caractère anormal, qu’elles émanent de demandeurs de bonne foi et … que la prestation de service n’est pas interdite par la loi ou un règlement de l’autorité publique . »

  1. Le Conseil de la Concurrence veille également aux intérêts des consommateurs et au respect de la loi n° 2015-014 du 10 août 2015 sur les garanties et la protection des consommateurs,

En effet, certains articles de la loi sur la monnaie électronique traitent justement du consommateur et les textes d’application les concernant devraient garantir les intérêts des consommateurs, en l’occurrence l’article 76 sur les termes de la convention entre les EME et les utilisateurs.

  1. ll est prévu, d’une part à l’article 32 de la loi sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique que : « toute opération de fusion, de scission ou d’apport partiel d’actif envisagée par l’EME est soumise à une autorisation préalable de la CSBF… ».

D’autre part, l’article 58 de la même loi stipule que : « L’établissement de monnaie électronique et ses agents de distribution sont soumis aux dispositions de la loi sur la concurrence et sur la consommation ainsi que ses textes d’application dans l’exercice de toutes leurs activités ».

  1. A cet effet, le Conseil de la Concurrence tient à rappeler qu’aux termes de l’article 26 de la loi sur la concurrence: « Toute concentration économique…, est soumise à un contrôle a priori du Conseil de la Concurrence. Le Conseil détermine si l’opération qui lui est soumise risque de créer ou de renforcer une position dominante sur le marché national au point d’éliminer la concurrence ou de la réduire de façon sensible. ll apprécie également si l’opération apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes éventuelles à la concurrence ».

Et selon cette même loi sur la concurrence en son article 25 alinéa 2, « la concentration de la puissance économique s’opère notamment par voie de fusions, rachats, coentreprises et toutes autres formes de contrôle à caractère horizontal, vertical ou hétérogène. »

  1. En conséquence, le Conseil de la concurrence est d’avis que l’application de l’article 32 de la loi sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique ne porte pas préjudice à l’application des dispositions de l’article 26 de la loi sur la concurrence eu égard aux stipulations de l’article 58 de la première.

  1. Concernant l’application des conditions tarifaires non discriminatoires
  1. Outre la demande d’avis sur l’avant-projet de loi sur la monnaie électronique, l’avis du Conseil de la Concurrence a également été sollicité sur « l’application des conditions tarifaires non discriminatoires » ainsi que « sur la réalisation de cette mesure et une éventuelle distorsion de concurrence par rapport au conflit d’intérêt entre les établissements de monnaie électronique filiales des opérateurs de téléphonie mobile (OTM) d’une part, et ceux qui n’auraient qu’un lien contractuel avec lesdits OTM, d’autre part ».
  1. Le Conseil de la Concurrence, dans sa mission attribuée par l’article 23 de la loi sur la concurrence se prononce sur toute autre question en matière de concurrence dont il est saisi.
  1. Aussi, l’article 2 alinéa 2 de la loi n° 2005-020 sur la concurrence prévoit-il que « Les prix des biens, produits et services sont librement déterminés par la loi de l’offre et de la demande. »

Par contre, tel que le rappelle l’article 23 de cette même loi, « est prohibée l’exploitation abusive d’une position dominante sur le marché national, ou une partie importante de celui-ci, par une entreprise ou un groupe d’entreprises et ayant pour effet d’empêcher, de fausser ou de restreindre le jeu de la concurrence.

On entend par position dominante, la situation dans laquelle une ou plusieurs entreprises sont en mesure de jouer un rôle directeur qui leur permet de contraindre leurs concurrents de se conformer à leur attitude, ou de s’abstraire de la pression de ses concurrents. »

Cette position résulte du comportement de la ou des entreprises concernées et se manifeste par la fixation des prix ou de pratiques discriminatoires.

Autrement dit, le respect du libre jeu de la concurrence ne signifie pas que tout abus en matière de fixation de prix effectué par une ou des entreprises en position de dominance  est autorisé par la loi.

              CONCLUSION

  • Le Conseil de la Concurrence prend acte que la demande d’avis sur l’avant-projet de loi sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique est caduque du fait que ladite loi est déjà promulguée ;
  • Concernant la collaboration sollicitée, celle-ci doit se faire dans le cadre de la procédure de consultation du Conseil de la Concurrence prévue par l’article 34 de la loi n’2005-020 du 17 octobre 2005 sur la Concurrence ;
  • Le Conseil de la Concurrence tient particulièrement à ce que ses observations ci-dessus exposées soient prises en compte lors de l’élaboration des textes d’application de cette loi sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique, afin de prévenir d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles.

Délibéré sur le rapport oral de M. RAKOTONANDRASANA Charly, Rapporteur Permanent et prononcé en séance publique de la Formation Plénière du Conseil de la Concurrence le dix avril deux mil dix-sept à quinze heures par M. RABETRENA Herinirina, Président du Conseil de la Concurrence, Président de séance ; Mme LANANA Marcelle Claudia, M. FANAHIMANANA Hubert Tiaray, Mme RAKOTONDRAJAO Onisoa Harivelo, Mme RAMANANTSOA Misa, tous Conseillers auprès du Conseil de la Concurrence, membres et en présence de M. RAFIDISON Jérôme, Commissaire du Gouvernement auprès du Conseil de la Concurrence.