LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, 

En Formation Plénière, 

Vu les lettres N° 222/DG/15/rrTR du 07 juillet 2015, N° 235/DG/15/rr/TR du 10 juillet 2015, N° 015PDG/15/rrAR du 15 Octobre 2015 , N°389/DG/15/rrTR du 05 Novembre 2015, N° 141 /DG/rrTR, formulées et signées par M. Thierry RAMAROSON , Directeur Général de la Société « Savonnerie Tropicale » SA sise à la Zone Industrielle Nord-Ankorondrano, saisissant le Conseil de la Concurrence pour la prise de disposition contre les savons et détergents hors normes et contre la fraude comme avantage compétitif ; 

Vu la décision n° 01-CO-PER/17 du 03 mars 2017 de la Commission Permanente renvoyant l’affaire SAVONNERIE TROPICALE devant la Commission Plénière ; 

Vu la Loi n° 2005-020 du 17 octobre 2005 sur la Concurrence ; 

Vu le Décret n° 2008-771 du 28 Juillet 2008 fixant les conditions d’application de la Loi n° 2005-020 du 17 octobre 2005 sur la Concurrence ; 

Vu le Décret n° 2014-189 du 08 Avril 2014 portant statut du Conseil de la Concurrence ; 

Vu le Décret n° 2015-1329 du 29 septembre 2015 portant adoption du règlement intérieur du Conseil de la Concurrence ; 

Vu le Procès-verbal d’enquête préliminaire n° 01/CC/PCC/RG/RP/PVC/2017 du 31 Janvier 2017 dressé par les rapporteurs du Conseil de la Concurrence ; 

Vu les observations écrites en date du 25 novembre 2016 du Commissaire du Gouvernement auprès du Conseil de la Concurrence ; 

Entendu les observations orales du Commissaire du Gouvernement, les exposés oraux des faits des représentants de la Société Savonnerie Tropicale, le rapport oral du Rapporteur Général ; 

ADOPTE la décision suivante après délibération à huis clos, le Commissaire du Gouvernement et le Rapporteur Permanent présents au cours de la séance ayant été invités à y assister :

I- CONSTATATIONS 

1. La société Savonnerie Tropicale a saisi, par lettres n° 222/DG/15 du 07 juillet 2015 et n° 015/PDG15 du 15 octobre 2015, le Conseil de la Concurrence de la situation de la concurrence dans le domaine des savons et détergents. Selon la saisine, il y a maltraitance et concurrence déloyale ainsi que des fraudes comme avantage compétitif contre les véritables savonniers. 

A- Sur le secteur et les entreprises concernées : 

2. La présente affaire concerne l’importation, la distribution et la commercialisation des savons et détergents sur le marché. 

3. Les entreprises dénoncées dans la saisine sont principalement les importateurs de savons et détergents mais également les conditionneurs et distributeurs de savons importés. Toutefois, la saisine n’a pas expressément mentionné les entreprises en cause dans les pratiques dénoncées par la Savonnerie Tropicale. 

B-Sur les pratiques dénoncées : 

4. Les pratiques dénoncées dans les lettres de saisine et les déclarations recueillies au cours de l’enquête préliminaire concernent : l’envahissement des détergents poudre importés à Madagascar, le non-respect des normes sur les savons et détergents en vigueur à Madagascar depuis 2009, le non-respect des normes sur les emballages, les exonérations de complaisance des droits d’entrée concernant les importations de savon, le non-paiement de la TVA pour les ventes locales sans factures et la baisse à 10% du taux des droits de douane des bondillons de savon importés au détriment de la fabrication locale. 

II- DISCUSSION 

A- Sur la procédure : 

5. Cette affaire a fait l’objet de séances devant la Commission Permanente du Conseil de la Concurrence le 25 novembre 2016, le 03 décembre 2016, le 24 février 2017 et le 03 mars 2017. 

6. Par décision n° 01-CO-PER/17 de la Commission Permanente du 03 mars 2017, l’affaire a été renvoyée devant la Formation Plénière devant laquelle elle a été appelée et débattue lors de la séance du 22 mars 2017. 

7. Auparavant, a déjà été enclenchée par le Rapporteur Général du Conseil de la Concurrence une enquête préliminaire consignée dans le procès-verbal de synthèse n° 01/CC/PCC/RG/PVS/2017 du 31 janvier 2017.  

8. Des représentants de la société Savonnerie Tropicale ont été convoqués pour assister à toutes les séances du Conseil pour présenter leurs observations orales à l’appui de leur saisine. 

B- Sur la saisine du Conseil de la Concurrence : 

9. Selon l’article 29 de la loi n° 2005-020 du 17 octobre 2005, « Il est créé un Conseil de la Concurrence chargé de … statuer sur les affaires qui sont de sa compétence conformément aux dispositions de la (présente) loi … ». 

10. En outre, aux termes de l’article 35 de la susdite loi, « le Conseil de la Concurrence peut être saisi … par les entreprises … ». 

C- Sur l’analyse des pratiques dénoncées dans la saisine : 

11. La présence massive des détergents poudre importés sur le marché malgache a été dénoncée par la société Savonnerie Tropicale. Dans sa saisine, elle sollicite que soient appliquées les mesures correctives commerciales de l’OMC. 

12.Cependant, relèvent de la compétence de l’Autorité Nationale chargée des Mesures Correctives Commerciales (ANMCC) l’élaboration et la mise en œuvre de la règlementation nationale en matière de mesures correctives commerciales conformément aux dispositions de l’OMC selon l’article 5 du décret n° 2014-1726 du 19 décembre 2014 abrogeant le décret n° 2010-383 du 08 juin 2010 et portant création, organisation et fonctionnement de l’Autorité Nationale chargée des Mesures Correctives Commerciales. 

13. En outre, sur le non-respect des normes sur les savons et détergents ainsi que le non-respect des normes sur les emballages, l’arrêté interministériel n° 28250/2011 du 30 septembre 2011 portant règlementation sur la commercialisation de savons et détergents en poudre ou non édicte les mentions obligatoires à apposer sur les emballages ainsi que la production de certificats de conformité nécessaires à la commercialisation. Le contrôle de la mise aux normes des savons et détergents en poudre devrait être assuré par un organisme certificateur indépendant qui fait défaut à l’heure actuelle. 

14. Cependant, les informations recueillies attestent l’existence de certificats de conformité au regard de la règlementation en vigueur. 

15. Lors de ses observations orales, la société Savonnerie Tropicale a également mentionné que les revendeurs refusent de vendre leurs produits sous prétexte qu’elle délivre des factures de vente à leur égard contrairement aux autres fournisseurs. 

16. Dans le cas d’espèce, la partie saisissante n’apporte aucun élément permettant au Conseil de la Concurrence d’apprécier si le comportement de ces revendeurs est susceptible de cacher une pratique anticoncurrentielle collective de la part des autres fournisseurs de ces revendeurs. 

17. S’agissant de la baisse à 10% du taux des droits de douane des bondillons de savon importés au détriment de la fabrication locale désapprouvée par la société Savonnerie Tropicale, il n’entre pas dans le pouvoir du Conseil de la Concurrence d’apprécier les dispositions fiscales et douanières. Il appartient à la société Savonnerie Tropicale de saisir les administrations concernées pour connaître de sa désapprobation. 

D- Sur les compétences du Conseil de la Concurrence 

18. Le Conseil de la Concurrence a compétence pour connaître de toutes les affaires relevant des pratiques collectives prévues aux articles 21 à 27 de la loi n° 2005-020 du 17 octobre 2005 sur la concurrence selon l’article 36 de cette loi. 

19. Les données fournies par la société Savonnerie Tropicale ne permettent pas de constater l’existence de pratiques concertées ou d’accords entre entreprises ayant pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser de façon sensible le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché de savons et détergents en poudre. 

20. Par ailleurs, en l’état des éléments versés au dossier, il ne peut être établi qu’il y a exploitation abusive d’une position dominante sur le marché national ou une partie importante de celui-ci, par une entreprise ou un groupe d’entreprises et ayant pour effet d’empêcher, de fausser ou de restreindre le jeu de la concurrence. 

E-Conclusion 

21. La société Savonnerie Tropicale n’allègue pas l’existence de faits susceptibles de constituer des pratiques prohibées par les articles 21 à 27 de la loi n° 2005-020 du 17 octobre 2005 sur la concurrence. 

22. Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, les faits invoqués dans la saisine de la société Savonnerie Tropicale n’entrent pas dans le champ de compétence du Conseil de la Concurrence. Il y a lieu dès lors de faire application de l’article 23, alinéa 2 du décret n° 2008-771 du 28 juillet 2008 fixant les conditions d’application de la loi n° 2005-020 du 17 octobre 2005 sur la concurrence qui stipule que « le Conseil de la Concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable … s’il estime que les faits invoqués n’entrent pas dans le champ de sa compétence … ». 

23. Toutefois, les informations recueillies lors de l’enquête préliminaire faite par le Rapporteur Général du Conseil de la Concurrence méritent d’être approfondies pour attester ou non l’existence de pratiques anticoncurrentielles collectives prohibées par la loi n° 2005-020 du 17 octobre 2005 sur la loi sur la concurrence. Il y a lieu alors de faire application de l’article 35 de la loi sur la concurrence qui énonce que « le Conseil de la Concurrence peut … se saisir d’office ». 

III- DECISION 

Article premier : La saisine au fond de la société Savonnerie Tropicale est déclarée irrecevable. 

Article 2 : Le Conseil de la Concurrence décide de se saisir d’office pour détecter d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles collectives dans le secteur de l’importation, de la distribution et de la commercialisation des savons et détergents. 

Délibéré sur le rapport oral de Mme RAZAFIARIVELO Marie Pierrette, Rapporteur Permanent et prononcé en séance publique de la formation plénière du Conseil de la Concurrence le dix avril deux mil dix-sept à quatorze heures par M. RABETRENA Herinirina, Président du Conseil de la Concurrence, Président de séance ; Mme LANANA Marcelle Claudia, M. FANAHIMANANA Hubert Tiaray, Mme RAKOTONDRAJAO Onisoa Harivelo, Mme RAMANANTSOA Misa, tous Conseillers auprès du Conseil de la Concurrence, membres et en présence de M. RAFIDISON Jérôme, Commissaire du Gouvernement auprès du Conseil de la Concurrence.